Imagine que chaque journée de ta vie soit identique à la précédente. La même journée qui se répète à l’infini, à partir du moment où tu te réveilles chaque matin.
Les situations sont les mêmes, les personnes autour de toi sont les mêmes, les tâches qui t’occupent sont les mêmes…
C’est exactement ce qui arrive au héros du film « Un jour sans fin » (« Groundhog day », en VO). Un beau matin, il découvre qu’il se réveille dans la journée précédente. Les gens dans la rue sont les mêmes qu’hier. Les personnes qui l’abordent le font de la même façon qu’hier. Les situations sont pareilles.
Et chaque matin suivant, ça se reproduit : il vit encore et encore la même journée, en boucle.
Il se passe pas mal de choses dans le film, jusqu’au moment où il découvre qu’il est immortel : pour essayer de s’échapper, il met fin à ses jours pas mal de fois, et se réveille pourtant encore et encore le même matin de la même journée. Une journée qui se répète à l’infini, et dont il ne peut plus échapper, par aucun moyen.
Et puis, à mesure que les choses avancent, il réalise enfin que la seule issue est à l’intérieur. Au lieu d’essayer de s’échapper au cycle de cette journée identique (ça ne marche pas, il a essayé…), il se met à travailler à la rendre meilleure.
Il apprend à connaître chaque personne qui passe sur son chemin. Il apprend à ne plus refaire les mêmes erreurs que la fois précédente.
Et au lieu que ce soit cette fameuse journée qui change… C’est lui-même qui se transforme, et qui devient meilleur.
C’est un film qui m’a touché, parce que j’ai souvent essayé de m’échapper de la routine du quotidien.
J’ai passé la plupart de ma vie à croire que l’herbe était plus verte ailleurs, à travailler dur pour réussir à déménager dans le champ d’à côté. Pour me réaliser à chaque fois qu’il m’y manquait encore quelque chose, et que l’herbe semblait encore plus verte dans encore un autre champ.
Et je suis passé de champ en champ, en m’accrochant à la croyance selon laquelle tout sera forcément mieux dans un endroit où l’herbe est beaucoup plus verte encore.
Mais au bout d’un moment, il fallait constater l’évidence : ça commençait à devenir absurde.
À chaque cycle, l’histoire semblait écrite à l’avance, parce qu’elle s’était déjà répétée bien des fois :
Étape 1 : rêver du champ d’à côté, où l’herbe semble plus verte qu’ici.
Étape 2 : travailler dur pour pouvoir m’échapper de ma situation, et m’installer dans ce fameux champ.
Étape 3 : découvrir que les choses n’y sont pas aussi parfaites que prévu, et constater qu’encore un autre champ existe, dans lequel l’herbe semble beaucoup plus verte encore.
Étape 4 : répéter toutes ces étapes… à l’infini.
Quand on l’a fait deux ou trois fois, on ne se rend pas forcément compte de l’absurdité de ce schéma. Mais quand on a déjà remis une pièce dans la machine des dizaines ou des centaines de fois, on se pose forcément ces questions à un moment ou à un autre :
Et si le problème n’était pas le champ dans lequel je me trouve… Mais plutôt, mon obsession pour en trouver un meilleur ?
Est-ce que ce n’est pas ça la vraie cause de mon insatisfaction ? Et pas forcément les défauts du champ dans lequel je suis aujourd’hui, qui n’est pas forcément le plus beau du monde, mais que je pourrais embellir si j’en prenais le temps ?
Et si j’utilisais la même quantité d’énergie pour améliorer mon champ actuel, jour après jour, au lieu de tout quitter pour en trouver un meilleur ? Est-ce que je ne serais pas plus heureux comme ça ?
J’ai un aveu à te faire : j’ai trop lu de livres sur le développement personnel.
Au début, ça m’a fait beaucoup de bien. Quand j’étais jeune, ça m’a permis de prendre confiance en moi, de commencer à construire ma vie par moi-même, de lancer mon activité, de partir à l’aventure un peu partout dans le monde…
Mais une fois qu’on a réussi à se construire, il faut savoir jeter ses livres de développement personnel à la poubelle, sous peine de ne plus être jamais capable d’apprécier ce qu’on a bâti.
Comme tous les outils, le développement personnel permet d’atteindre un but. Mais une fois le but atteint, il faut savoir ranger l’outil, et passer à autre chose. Si on ne sait pas ranger ses outils après usage, et qu’on s’y accroche, on peut se retrouver à faire la cuisine avec une pelle.
Voici une petite histoire, vieille de presque 2600 ans, qui explique ça très bien :
Un homme a besoin de traverser une rivière.
De son côté de la rivière, il est en danger. De l’autre, il sera en sécurité.
Comme il ne sait pas nager, il va chercher des branches et construit un radeau.
Puis, une fois arrivé de l’autre côté de la rivière, et qu’il est enfin en sécurité, il se demande que faire de son radeau.
Est-ce qu’il serait plus intelligent de continuer sa vie sur la bonne rive en traînant son radeau partout où il va ?
Ou bien est-ce que la solution la plus sage, ça serait d’abandonner le radeau sur la berge, et de partir léger à la découverte de sa nouvelle vie ?
Cette histoire était racontée par le Bouddha, en Inde, il a presque 2600 ans, pour montrer que son enseignement était un outil.
Et qu’un outil peut devenir un fardeau pour ceux qui continuent à s’y accrocher après en avoir obtenu ce dont ils avaient besoin.
Les auteurs de livres sur le développement personnel devraient raconter la fable du radeau de temps à autre…
☘️ Reçois ma newsletter :