Jean-Critique-Tout


Quand je fais des travaux chez moi, ou des projets de bricolage à la maison, et que je publie des images ou des vidéos sur leur avancée, il se passe souvent la même chose :

Jean-Michel Bricolage débarque dans les commentaires, pour dire qu'il fait les choses beaucoup mieux chez lui, et que c'est une honte de ne pas travailler comme un pro (alors que toi tu bricoles pour t'amuser, et que tu essayes d'apprendre).

Quand je publie des photos de mon champ, que j’explique que je vis à la campagne, et qu’on peut voir aussi un ordinateur ou n’importe quel outil de travail sur mes photos ou mes vidéos, alors c’est Jean-Pierre Nature qui débarque dans les commentaires, et qui estime se sentir trahi, car je vis à la campagne tout en ayant un métier créatif, et sans me nourrir de graines et de ronces.

Quand ce n’est pas Jean-Michel Bricolage ou Jean-Pierre Nature, alors c’est Jean-Paul Rangement, qui vient m’insulter parce que je n’ai pas rangé deux tuyaux qui traînent dans mon champ (histoire vécue).

Au début ça m’a surpris, parce que je croyais que les Jean-Critique-Tout étaient juste irrités quand on parlait d’entrepreneuriat.

Et quand j’ai commencé à vouloir vivre autrement et à adopter une philosophie de vie plus simple, je pensais qu’ils allaient se calmer. Ou tout simplement disparaître de chez moi.

Je m’étais trompé : ils sont presque plus virulents quand on leur montre des photos de brins d’herbe ou de murs, que lorsqu’on leur parle d’argent.

Ça veut dire que c’est propre à tous les domaines, et qu’on ne peut pas leur échapper.

C’est bien dommage, parce que ça fait du mal à tout le monde. Et les créateurs ne sont pas les premiers à en pâtir : c’est leur audience qui en subit le plus de conséquences.

Je m’explique :

Si on veut éviter de se faire insulter par les Jean-Critique-Tout, il n’y a qu’une seule solution : montrer une version filtrée, éditée, policée de la réalité.

C’est ce que font 99 % des influenceurs, en partie pour éviter d’être agacés à chaque fois qu’ils mettent un contenu en ligne.

Et le résultat, c’est l’état du web actuel, tel qu’on le connaît.

Les Jean-Critique-Tout n’en sont pas entièrement responsables, loin de là, mais on ne peut pas dire non plus qu’ils n’y sont pour rien.

À force de les voir surgir pour juger une photo anodine, les créateurs filtrent et se censurent, parce qu’à cause d’eux, c’est de plus en plus pénible de publier des choses authentiques.

Les Jean-Critique-Tout se prennent pour des juges de The Voice, alors qu’on voulait juste partager un moment anodin avec son audience, sans se prendre pour le roi du bricolage, le gourou de la nature, ni le dieu du rangement de jardins.

Dans ce métier, on a besoin d’aimer son audience. De vouloir sincèrement l’aider, de vouloir lui donner le meilleur de ce qu’on est capable de créer.

Le problème, c’est que même si on sait très bien que les Jean-Critique-Tout sont ultra-minoritaires, c’est difficile de faire une vidéo dans laquelle on essaye d’aider sincèrement les gens juste après avoir lu leurs diatribes.

Il y a deux choix possibles : le premier, c’est d’essayer de les neutraliser en filtrant et en éditant tout, en se bridant et en se limitant. Ça marche rarement, et c’est quand même dommage d’en arriver là, même si c’est ce que font la plupart des créateurs aujourd’hui.

Le deuxième, c’est de les ignorer simplement, et c’est certainement la meilleure option.

Les Jean-Critique-Tout ne sont pas méchants, il y a bien pire qu’eux sur le web… Mais parfois, ils ne se rendent pas compte des dégâts qu’ils font.

Au lieu de se prendre pour des juges de The Voice, ils pourraient se mettre à créer leurs propres contenus, et transmettre leurs compétences en bricolage ou en rangement à des milliers de personnes que ça pourrait aider.

Ils pourraient même gagner leur vie comme ça.

Mais non, il faut qu’ils gâchent leurs matinées à aller juger ta pelouse, la façon dont tu élèves tes chiens, ou les talents de bricolage d’un créateur qui fait d'habitude des vidéos sur le piano mais qui s’est permis de partager une photo de ses travaux.

Je sais bien que je suis en train de crier dans le vent : les réseaux sociaux servent à donner son avis sur tout, et ça fait bien longtemps que c’est devenu un loisir pour beaucoup de gens d’aller juger la vie des autres.

Nous, créateurs, on y est aussi pour quelque chose, puisque personne ne nous avait demandé de partager tout ce qu’on partage, et qu’on le fait librement.

Mais quand même. Parfois, c’est fatigant.


📷 La photo du jour :

Quelques vieux objets dans l'atelier, l'un des bâtiments qui se trouvent sur mon terrain.

Je vais les récupérer comme déco : l'atelier est maintenant la maison des sept chiens.


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