La maladie des milieux sociaux


[C’est les vacances : je republie aujourd’hui un article que j’avais rédigé il y a quelques années.]

Pourquoi les gens sont-ils toujours les mêmes, dans un endroit donné ?

Quand on voyage un peu, on s’en rend vite compte :

Il y a des coins où tu ne vois que des backpackers à dreadlocks.

Des coins où tu ne vois que des touristes aisés, qui viennent en famille.

Des coins où tu ne vois que des retraités, qui ont tous plus ou moins le même style de vie.

Des coins où tout le monde court, et où tout le monde bosse.

Et souvent, quand tu sors du lot, tu deviens un extra-terrestre.

Essaye de te poser en short et en sandales dans un quartier d’affaires de Singapour : tu vas passer pour un extra-terrestre.

Essaye de venir en famille, habillé comme à Paris avec la petite chemise et les chaussures bien cirées dans un coin à hippies : tu vas passer pour un extra-terrestre.

La plupart des gens ne cherchent qu’à vivre avec leurs semblables. Même quand ils sont en vacances : ils n’ont aucun intérêt à explorer des lieux dans lesquels les autres sont différents d’eux.

Quand on aime la variété, il faut même voyager avec plusieurs accoutrements si on veut rester discret. Et c’est bien dommage.

Si tu n’es pas comme les autres, on va te regarder, te juger, et ça sera beaucoup plus difficile de faire connaissance avec les gens.

Mais si tu te déguises pour leur ressembler, alors ils vont te parler.

À force de voyager entre des mondes différents, je m’étais même fabriqué un uniforme passe-partout, qui permet de se fondre dans la masse, quelle que soit la situation (et pour ça, le polo est l’habit idéal : il passe dans une soirée en ville aussi bien qu’au milieu des hippies).

Mais au bout d’un moment, tout ça devient quand même un peu ridicule.

L’intérêt du voyage, sinon même de la vie, c’est d’explorer. De voir autre chose. D’enrichir son expérience avec de la variété.

Pourquoi est-ce qu’après avoir inventé internet, le smartphone et la voiture électrique, on en soit encore à devoir se regrouper entre gens identiques ?

On aime regarder ceux qui ne sont pas comme nous à travers un écran. Mais on a tellement de mal même à les accepter quand ils sont en short plutôt qu’en costume, ou en costume plutôt qu’en short.

C’est quand même fascinant.

On ne parle plus que de diversité, mais on continue à s’enfermer dans un petit monde où tous les gens sont pareils.

On n’a jamais eu autant de facilité à voyager, mais une fois en vacances on continue à s’enfermer avec des gens identiques à ceux de notre petit milieu social.

On n’arrête pas de te dire d’être toi-même, mais on va te juger selon que tu portes un t-shirt ou une chemise.

En restant avec des gens qui sont comme soi, on s’enfonce dans une paralysie qui empêche de s’ouvrir, de découvrir, et de grandir.

Le monde n’est pas une échelle, avec des milieux sociaux de plus en plus désirables.

Ce n’est pas une affaire de classement. Celui qui vit Avenue Victor Hugo n’a pas davantage de points que le hippie qui habite dans sa yourte à Kathmandu.

L’un n’est pas « plus » que l’autre : il est juste différent.

Tu peux apprendre des choses du hippie qui vit à Kathmandu. Tu n’apprendras pas plus de choses de celui qui vit Avenue Victor Hugo : tu apprendras d’AUTRES choses.

Pas toujours des choses meilleures. Mais des choses différentes.

Le statut social est un leurre : il nous fait croire que tout le monde désire exactement la même vie.

Il nous fait croire qu’il faut chercher à tout prix à côtoyer des gens de son milieu, ou d’un milieu jugé supérieur au sien.

Alors qu’il n’y a pas de hiérarchie. Et qu’on peut apprendre autant de choses de quelqu’un qui fait les poubelles que du PDG d’une startup cotée.

C’est juste qu’on n’apprendra pas les MÊMES choses.

Celui qui fait les poubelles à probablement une expérience de la vie que le PDG n’a pas. Et le PDG a probablement une expérience du business que celui qui fait les poubelles n’a pas.

L’un ne peut pas t’apprendre plus de choses que l’autre, mais chacun des deux peut t’apprendre quelque chose que l’autre ne connaît pas.

Si tu es médecin et que tu ne traînes qu’avec des médecins, si tu es hippie et que tu ne traînes qu’avec des hippies, si tu es entrepreneur et que tu ne traînes qu’avec des entrepreneurs… alors tu es en train de réduire ta vie à un minuscule pot de yaourt.

C’est ton choix, mais c’est quand même bien dommage…


📷 La photo du jour :

Vacances au jardin !


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