Apologie de l'ennui


[Aujourd'hui, je remets en valeur un article que j'avais publié par le passé]

Quand on y pense, c’est fou ce qu’on est capable de faire pour éviter l’ennui.

C’est comme si s’ennuyer deux minutes, c’était la fin du monde. On est prêt à tout, mais vraiment à tout, pour éviter ça.

On se remplit la tête d’informations inutiles, ou même toxiques. On s’électrocute le cerveau avec des stimulations de partout.

Et on se demande après pourquoi est-ce qu’on est devenus anxieux.

Et si l’ennui était nécessaire ? S’il était positif ? S’il pouvait, même, apporter du plaisir ?

Comme beaucoup de gens, j’ai passé des années à tout faire pour éviter d’avoir ne serait-ce que quelques minutes sans occupation, sans stimulation, sans avoir quelque chose à faire ou à lire.

Et plus je vivais comme ça, moins j’avais d’idées. Moins ma créativité fonctionnait. Moins j’arrivais à me détendre aussi, et à me relaxer vraiment.

Et puis je suis devenu anxieux.

C’est là que j’ai réalisé que l’ennui n’est pas un ennemi, mais qu’il est nécessaire : il est nécessaire à la créativité, il est nécessaire à la sérénité, il est nécessaire pour laisser le temps à notre cerveau de trier les informations qu’on a accumulées pendant la journée, et de leur donner du sens.

Et à mesure qu’on accepte l’ennui, qu’on l’accueille, qu’on le provoque même de son plein gré, on commence à vivre mieux. À apprécier toutes les petites choses qu’on a devant soi. À se reconnecter avec notre environnement, avec les personnes qui sont autour de nous, avec le moment présent.

Plus on l’accepte, plus on l’accueille, plus on comprend sa valeur et son utilité, plus on arrive à voir tout le bien qu’il nous fait… Et moins il ressemble à de l’ennui. Il devient un vrai plaisir. Une sensation qu’on se met maintenant à rechercher activement.

C’est tellement facile aujourd’hui d’éviter d’être seul avec soi-même : il suffit de sortir son téléphone de sa poche.

On est devenus des machines à absorber des informations, qu’on ne retiendra pas, parce qu’on ne se laisse jamais le temps de penser, de faire le vide dans sa tête de temps en temps, et d’accepter l’ennui.

On devrait passer au moins une demi-journée par semaine seul avec soi-même, sans aucune distraction artificielle. Marcher pendant une heure ou deux, s’asseoir sur un banc, prendre un café en terrasse… Sans téléphone, sans livre, sans rien.

Juste seul, avec soi-même. Pour faire le vide. Et pour ouvrir la porte à la créativité.

Quand on fait ça, on rentre souvent chez soi la tête remplie d’idées, de déclics, de pistes ingénieuses… qu’on n’aurait jamais pu trouver en passant la journée entière à faire des recherches.

On a accès à tellement d’infos qu’on en est venus à croire que les réponses se trouvent toutes à l’extérieur de nous. Mais si on se donne vraiment le temps de s’écouter, si on sait s’offrir des moments de vraie solitude de temps à autre, on redécouvre alors la puissance créative qui est à l’intérieur de nous, dont on oublie parfois l’existence.

Il faut savoir aussi que l’anxiété (le mal du siècle…) est alimentée par une sensation de TROP. Trop d’infos à traiter, trop de tâches à accomplir, trop de choses à faire dans le temps imparti…

Beaucoup d’entre nous en ont déjà trop. Mais pourtant, au lieu de se détendre et de faire le vide dans leur tête quand ils ont un moment de libre, ils ajoutent, et ils ajoutent, et ils ajoutent encore des infos et des choses dans un cerveau qui est déjà en surchauffe.

Comme si on exportait une vidéo sur un ordinateur, puis une deuxième dans le même temps, puis une troisième, puis une quatrième…

Arrivé à 30 vidéos qui exportent simultanément, on refuse toujours d’accepter que l’ordinateur soit en surchauffe, que les ventilateurs tournent au maximum de leur vitesse, et on en ajoute encore et encore.

À un moment, l’ordinateur ne fait plus face : il plante.

Nous, les humains, on est pareils. La surchauffe, pour nous, c’est l’anxiété. Et le plantage, le burnout.

Peu de gens savent qu’il faut entre deux et cinq ans pour se remettre d’un burnout. On ne rigole pas avec ça.

Et si on apprenait à apprivoiser l’ennui ? Si on s’autorisait à ne rien faire du tout quand on n’a rien à faire ? Si on arrêtait d’essayer de s’échapper dès que la perspective d’un moment de silence pointe le bout de son nez ?

À mesure qu’on l’apprivoise, l’ennui devient autre chose que de l’ennui. Il devient un moment privilégié. Il devient un espace dans lequel on trouve du réconfort, des déclics, de l’inspiration. Il devient un gîte de montagne dans lequel on peut se réfugier quand il y a une tempête. Il devient une source dans laquelle on peut aller puiser des idées créatives quand on en a besoin. Il devient enviable, et même indispensable.

Le plus grand mensonge de ce siècle, c’est d’avoir fait croire aux gens que l’ennui était quelque chose d’affreux, et qu’il fallait l’éviter à tout prix. C’est tout le contraire : on en a besoin, plus que jamais.


📷 La photo du jour :

Raisins du jardin !


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